
Maman Savoie et bébé duchesse de Beauport, 1991.
Ma mère m’a élevée seule.
Depuis ma naissance en 1991 jusqu’à tout récemment, on a passé l’essentiel des 23 dernières années ensemble. Et, vous l’aurez deviné, en plein cœur des rues du Vieux-Beauport.
Elle a eu quelques chums, mais on va dire qu’ils n’étaient pas mon genre de personne.
Là , je suis contente. Elle a Richard. Lui, je l’aurais sûrement écouté.
Moi, ma mère, c’est une vraie Beauportoise.
Elle a habité dans toutes les rues. Elle connaît presque tout le monde et elle connaît la cartographie de son quartier par cœur.
Mais, ce qui la fait aussi Beauportoise, c’est les coups qu’elle a su essuyer. On dirait qu’à Beauport, si tu l’as pas eu rough un peu, t’es pas dans gang.
Et moi, ma mère, Dieu sait qu’elle en a encaissé, des coups. J’en ai aussi encaissé avec elle. Y’en a aussi qu’elle garde secrets…
Jusqu’à tout récemment, je pensais que toutes ces histoires rocambolesques avaient fait en sorte de nous séparer. Je sentais une tension tellement forte que j’avais l’impression qu’on allait se perdre à tout moment.
Aujourd’hui, dans ma chambre de la rue Saint-Patrick, je me rends bien compte que ça nous a fusionnées et que cette fusion est si brutale et à vif que c’est dur à supporter.
En quittant Beauport, j’ai coupé sec le cordon.
Je me rends compte que ma mère, bin c’est tout ce que j’ai.
Et je repense à tout ce qu’on a vécu. Je me dis « Coudonc, elle était dont bin forte! »
Parce que moi, ma mère, c’est la pro de la débrouillardise et du remontage de pente. Pour vrai, si je peux avoir qu’un seul pour cent de sa force et de sa détermination, je pourrai vraiment tout affronter dans la vie!
C’est ce qui m’amène à parler de mon père.
Moi, mon père, je le connais pas vraiment. Ma mère l’a quitté pour ma sécurité et la sienne.
Des fois, on aime tellement qu’on aime mal.
Puis, il a décidé de s’en aller quand j’avais quelque chose comme 5 ans.
Assez jeune pour m’en souvenir. Pas assez pour le connaître.
Mon père s’est enlevé la vie parce que lui, il a pas trouvé la force de continuer quand les coups venaient de tous bords, tous côtés.
En quittant Beauport, je quitte aussi plein de petites choses qui me rappelaient son existence.
Le dernier appartement qu’il a occupé, il était dans un gros édifice blanc et bleu tout près de l’avenue Royale. Tous les jours, je passais devant.
Quand j’allais à la pharmacie, quand j’allais prendre l’autobus, quand j’allais à l’épicerie.
Tous les jours.
Chaque fois, je me rappelais du bruit de la sonnette, des vieux carreaux, mais surtout de l’odeur qui planait dans l’entrée.
Chaque fois, je me demandais si ça sentait encore la même chose. Mais je trouvais jamais le courage d’aller le vérifier. On dirait que j’avais peur que son fantôme rôde encore quelque part…
En quittant Beauport, je m’éloigne un peu de tout ce qui me passait par la tête quand je voyais ce bloc-là .
Chaque fois, je me demandais ce que mon père faisait tout seul dans son appartement. Qu’est-ce qui avait fait en sorte qu’il se rende jusque-là ?
Pourquoi personne avait été là pour lui? Pourquoi il avait pas essayé de s’en sortir?
Si j’avais été plus vieille… Est-ce que j’aurais pu le sauver? Même juste un peu?
Je pense pas que ce soit la faute de personne. C’est arrivé, c’est comme ça.
Cette semaine, c’est la 25e Semaine nationale de prévention du suicide.
Je m’adresse à vous qui avez, dans votre entourage, du monde qui feel pas tout le temps. Du monde qui a la mine basse un peu trop souvent. Du monde qui écrit des statuts Facebook un peu lame, mais qui dans l’fond recherche pas juste de l’attention mais bien de l’aide.
Pis c’est pas toujours facile d’en demander, de l’aide.
Alors, soyons à l’écoute des gens autour de nous. N’ayons pas peur de poser des questions, de nous intéresser aux gens.
Mais, surtout, n’ayons pas peur d’être positifs. De remarquer les bons coups et de trouver des solutions au lieu de toujours pointer les problèmes.
Je suis de ceux qui pensent que le bonheur, c’est une quête individuelle.
Mais je pense aussi qu’on a le devoir de le partager.